La Tora nous ordonne : « Tu t'attacheras à Dieu » (Devarim chapitre 11, verset 22).
Comment accomplir ce commandement ? Dieu est ineffable, inaccessible, tel un feu dévorant celui qui ose s'approcher, comme l'enseignent nos maîtres.
Nos sages expliquent que cette mitsva consiste en vérité à s'attacher aux Talmidé 'Hakhamim. Mais avant de pouvoir s'y attacher, il faut connaître un tant soit peu, comprendre qu'ils ne sont pas des hommes ordinaires, mais que la Tora est enracinée en eux, qu'elle coule dans leurs veines.. C'est l'étude qui fait de ces hommes-là des Talmidé Hakhamim, c'est-à-dire une entité de Tora, en chair et en os, capable de se mouvoir et de parler.
Ceux qui se sont rapprochés de Rabbi Sidi Fredj Halimi (זצ״ל) ont vu à quel point il incarnait ce feu de Tora transmis depuis le Sinaï.
Voici donc le sens et le but de cet essai.
(Extrait du livre traitant de la biographie de Rav Eliachiv)
Rabbi Sidi Fredj Halimi (זצ״ל) fils de Rabbi Abraham Halimi (Sidi Baha) (זצ״ל) naquit le 23 octobre 1876 à Constantine (Algérie). Il reçut une éducation juive d'un niveau exceptionnel. Il fut, très tôt, privé de l'affection paternelle (12 ans), et dû subvenir aux besoins d'une nombreuse famille, tout en continuant ses études.
– Il fut nommé Rav à 13 ans, et reçut le titre de Sidi = Maître.
– Il devint Dayan à l'âge de 18 ans,
– Il devint Roch Yeshiva, de la yeshiva Etz Haïm à 19 ans,
– Il fut élu Av Beit Din à 21 ans (par 69 voix contre une, la sienne, en choisissant son Rav). – A 24 ans il fut nommé Grand rabbin de Constantine, fonction qu'il assuma durant près de 60 ans, traversant les périodes tourmentées des deux guerres mondiales et de l'antisémitisme, et entre autre le 5 août 1934.
Il eut huit enfants (sept filles et un garçon).
L'un de ses meilleurs disciples fut le père du Grand rabbin Emmanuel Chouchana (ז״ל).
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Quand il étudiait, il était tellement absorbé et concentré qu'il transpirait de tout son corps. À la suite de cela il avait beaucoup maigri et tomba malade (paratyphoïde). À l'époque, cette maladie ne se guérissait pas et les personnes qui en étaient atteintes mourraient. Alors que son médecin lui donnait plus que quelques heures à vivre et que sa famille était au désespoir, Sidi Fredj reçu durant la nuit, la visite de Rav Lari, comme cela arrivait souvent. (Du fait de ses revenus très modestes, il vivait avec sa nombreuse famille dans un deux-pièces cuisine, ce qui impliquait que les enfants dormaient dans la pièce où se trouvait une armoire dans laquelle Sidi Fredj entreposait ses livres d'études. La nuit, les enfants sentaient des présences autour de cette armoire). Ils discutèrent ensemble un long moment, et avant de le quitter, Rav Lari garantit à Sidi Fred qu'il guérirait, mais devra s'occuper de la diffusion des livres de son père Sidi Baha. À sa sortie un souffle traversa la pièce et la porte claqua, ce qui réveilla ses enfants. Au petit matin Sidi Fredj se restaura normalement et guérit complètement peu de temps après, au grand étonnement de son médecin devant ce miracle.
Sidi Fredj était craint aussi bien par ses pairs, que par ses élèves, que par la population juive. Si par hasard, il arrivait à la synagogue alors qu'un rabbin faisait une dracha, ce dernier n'arrivait plus à parler, tant il était impressionné par cette présence.
Il aimait sa communauté, qui le lui rendait bien. À Constantine tout le monde ne respectait pas forcément le Chabbat. Un samedi, à la sortie de la synagogue, rencontrant un homme se trouvant dans ce cas, il n'hésita pas à le saluer cordialement et à lui demander des nouvelles de sa famille. Cette personne tellement confuse de tant de prévenance de la part du Grand rabbin de la ville vis-à-vis de lui, pêcheur, que peu de temps plus tard il fit Téchouva.
Les Arabes le respectaient et le vénéraient. À son passage dans la rue, les jeunes arabes se disputaient avec les jeunes juifs pour être le premier à embrasser sa main ; les plus âgés lui proposaient leur tabatière : comme il ne voulait pas prendre du tabac d'un goy, il faisait semblant de priser et déclarait que ce tabac était très bon. Il fut sollicité par l'assemblée des anciens combattants musulmans, pour être leur président d'honneur.
Afin d'entrevoir l'immensité de ce Talmid Hakham et sa vaste connaissance Toraïque, il lui fut proposé d'occuper le poste de grand rabbin de Tunisie. Mais ne souhaitant pas abandonner sa communauté, il refusa ce sacerdoce.
À l'époque, les chelikhim devaient montrer leurs connaissances en Tora pour espérer recevoir une aide. Un jour, deux chelikhim se rencontrèrent. L'un dit à l'autre : « à Constantine, il y a un grand rabbin que, malgré ta grande connaissance en Tora, tu ne pourras pas battre. ». Sceptique, ce chaliakh se rendit à la yeshiva de Constantine, alors que se donner un cours. Il se mêla à la discussion des Talmidé Hakhamim et leur posa une question très difficile. Personne ne sut répondre. Se tournant alors vers Sidi Fredj, le chaliakh lui demanda : «avez-vous une réponse à la question ? ». Narquois, Sidi Fredj pressentant la réponse du chaliakh, se tourna vers lui déclarant : « j'ai une réponse, mais la tienne n'est pas bonne. » L'autre interloqué, répliqua : « d'où savez-vous ma pensée et quelle est votre réponse ? » Sidi Fredj lui donna la réponse à laquelle le chaliakh avait pensé et lui démontra en quoi elle était fausse. Ensuite il lui formula la bonne réponse. Il lui expliqua que c'est à la manière dont la question avait été formulée qu'il devina la réponse du chaliakh.
Ce n'est pas sans difficulté que Sidi Fredj publia les ouvrages de son illustre père Sidi Baha :
– Wehokhea'h Abraham, commentaires sur la Tora,
– Maskil Le Etan, commentaires sur les Téhilim. Cet ouvrage fut le livre de chevet de Rav ‘HaÏkin. (זצ״ל) Roch Yechiva d’Aix les Bains.
– Kane Abraham, commentaires sur la Tora.
Dans le livre de commentaires des psaumes de David, Sidi Fredj introduisit ses propres ‘Hidouchim, commentaires nouveaux de son cru. La méthode consiste à examiner minutieusement les termes du verset, à y trouver la difficulté, et à la résoudre à l'aide d'un texte talmudique ou midrachique.
Ses propres œuvres, diffusées par ses descendants :
– Yefaer Anavim : livre de commentaires en collaboration avec :
- Rav Its'hak TOUBIANA
- Rav Raphael TOUBIANA
- Rav Abraham HALIMI, son père.
– Pir'hé Chouchan : commentaires sur les pirké avot (maximes des pères).
– Oroth Ha'haïm : commentaires sur la Tora
– Lo Amout ki E'hié : commentaires sur la Haggadah de Pessah.
Du fait de ses multiples activités bénéfiques, le gouvernement français lui octroya les insignes de chevalier de la Légion d'honneur.
Sidi Fredj Halimi décéda le 24 septembre 1957 à Constantine, la veille de Rosh Hashana 5717.
En cette veille de Rosh Hashana, des Rabbanim se trouvaient dans sa chambre à lire des Téhilim.
Au petit matin il se réveilla et béni son fils Abner et son petit-fils Gilbert, qu'il avait élevé, leva la tête et ce fut la fin.
La population venue lui rendre un dernier hommage été si nombreuse, que même la rue Thiers en était obstruée. Son corps fut transporté dans la synagogue du Midrach. Allongé sous son linceul, il donnait malgré tout l'impression d'être assis et d'écouter la lecture de Téhilim qui se faisait. Sa tête ne reposait pas au sol mais été relevée, et il aurait été possible de glisser un gros coussin dessous. Il était impossible de la maintenir au sol.
Lors de ses obsèques, dans la foule il y avait autant de juifs que de chrétiens et que d’arabes, toutes classes sociales confondues, qui suivaient le cercueil, en route vers le cimetière de Constantine où il repose à la tête de son épouse.
Plusieurs synagogues en France et en Israël portent son nom.
source: Monsieur Gerard DADOUN